Les expositions phares du festival photo Visa pour l’image 2021 par Initial LABO, Yonnel Leblanc et Aurélie Guillou, ont eu le plaisir de travailler sur l’exposition de Antoine Agoudjian consacrée à un sujet qui lui tient particulièrement à coeur : L’Arménie.
Antoine Agoudjian se consacre depuis plus de trente ans à la mémoire de l’histoire du peuple arménien. Il a pu témoigner en première ligne de cette nouvelle guerre de 44 jours en Artsakh.
Passionné par le tirage photo.
Le parcours de Antoine Agoudjian est très lié au tirage photo. En effet, au début de sa carrière il partage son activité entre la photographie et le tirage noir et blanc.
Initié par Pierre Gassmann et surtout Voya Mitrovic, il devient Artisan tireur ce qui lui as permis de révéler sa démarche artistique qu’il perpétue dans son propre laboratoire.
Pour cette exposition nous avons tout mis en oeuvre pour satisfaire sa vision. Cet échange, basé sur un dialogue constant a permis à nos équipes de trouver la parfaite finition.
“Je ne travaille que sur la lumière, l’idée n’étant pas de contraster, densifier et de jouer sur la chromie de façon artificielle et inconsciente mais d’avancer pas a pas, avec clairvoyance et pugnacité jusqu’à ce que l’image soit aboutie et me rende heureux. “
En fait je suis mon propre tireur, je construis seul l’architecture de mes images sur mon Mac à la façon du tirage N&B sous mon agrandisseur. Puis, j’envoie au labo un fichier abouti et prêt à tirer. Le tireur doit alors respecter mes valeurs, de la même manière qu’un imprimeur de livre.
Le technicien doit tout de même être doté d’une culture d’image et maîtriser son outil. Il y a toujours des imprévus et parfois une ou deux images à revoir. Yonnel chez Initial labo est infiniment généreux, doué et épris d’une sincère volonté de respecter ma démarche photographique.
Antoine Agoudjian
Antoine Agoudjian à Visa pour l’Image
Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan soutenu par la Turquie lance une offensive militaire sans précédent contre l’Artsakh (Haut-Karabakh). En 1921, une décision de Staline rattache arbitrairement cette région, majoritairement peuplée d’Arméniens à la république d’Azerbaïdjan.
En 1991, après l’effondrement de l’URSS, le territoire avait autoproclamé son indépendance. Or depuis, l’Azerbaïdjan refuse d’en perdre le contrôle. En trois décennies, plusieurs conflits ont eu lieu, jusqu’à celui de l’automne 2020, soldé par un cessez-le-feu le 9 novembre.
Une fresque universelle
La photographie a ouvert la boîte de pandore d’une mémoire enfouie en moi. Né en France, j’ai entrepris il y a trente ans dans la pénombre une quête vers la lumière en cherchant à mettre en images les récits légués par mes grands-parents rescapés d’un génocide, celui des Arméniens en 1915. Jusqu’en 2015, j’ai constitué une fresque en noir et blanc chargée de la mémoire d’un monde anéanti, cherchant la trace de vestiges engloutis dans des lieux empreints du vide laissé par l’effacement d’un peuple.
Il y a six ans, je décide de passer à la couleur et initier une symbiose entre mémoire et histoire. Je souhaitais par cette rupture esthétique intégrer le réel dans ma démarche, afin que le présent se superpose au passé. Cynique dialectique de l’histoire où l’on retrouve l’éveil des stigmates légués par l’Empire ottoman au crépuscule de son existence.
En quête d’un ennemi
La Turquie est l’héritière d’un crime impuni sur lequel s’est bâtie sa république en 1923, assimilant dans cet héritage une haine et une violence consubstantielles à l’impunité dont elle a bénéficié. Par son déni, elle est dans la quête perpétuelle d’un ennemi intérieur qu’elle veut tenir pour responsable de tous ses maux. Hier les Arméniens, aujourd’hui les Kurdes.
Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan, qui revendiquait la souveraineté d’un territoire qui lui fut arbitrairement offert par Staline en 1921, attaquait la république d’Artsakh, majoritairement peuplée d’Arméniens, dans une vaste offensive militaire orchestrée par la Turquie. Dans un silence assourdissant et bénéficiant d’une inertie suspecte de la Russie, une puissante coalition militaire équipée d’armes modernes, et épaulée par des djihadistes transférés de Syrie par la Turquie, maintiendra l’offensive pendant 44 jours sur cette petite république habitée par un peuple présent sur ces terres depuis l’Antiquité.
Un discours pour sauver un peuple
Jean Jaurès prononça le discours historique « Il faut sauver les Arméniens » à la Chambre des députés en 1896. Il y dénonça les massacres hamidiens commis contre les Arméniens, plus que jamais d’actualité aujourd’hui. Soutenu par des intellectuels français, il interpellait le gouvernement français sur les massacres perpétrés à l’encontre des Arméniens.
L’offensive turco-azerbaïdjanaise sur l’Artsakh à l’automne 2020 constitue le parachèvement du processus génocidaire initié il y a cent ans. Il conduisit à la presque totale disparition des populations chrétiennes autochtones – arméniennes, grecques, syriaques et chaldéennes – de l’Empire ottoman.
Lauréat du Visa d’or humanitaire du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) 2021
Exposition visible à l’église des Dominicains du 28 août au 26 septembre 2021 de 10h à 20h, entrée libre
Retrouvez prochainement une interview de Antoine Agoudjian dans notre podcast MANDARINE.